Le 18 juin

wavre-1815--©-Etienne-Hubin-(2)A la pointe du jour, le 18, Grouchy s’apprête à poursuivre Blücher. Le général Exelmans, dont les troupes ont couché à la Sauvenière, renoue le contact avec l’arrière-garde ennemie à 9h, repérée au Cabaret- à- Tout- Vent et se dirigeant vers Louvain. Des affrontements éclatent. Il informe aussi tôt Grouchy de ce qui se passe. Celui-ci est à ce moment à Walhain, avec les généraux Vandamme et Gérard. Vers 11h30, une canonnade retentit, venant de Waterloo. La bataille a commencé. Exelmans et Gérard sollicitent Grouchy, le pressant de voler au secours de l’Empereur. Mais ce dernier décide de continuer sa marche sur Wavre.

De ce moment de l’histoire est née la «légende noire du maréchal Grouchy ». En effet, à ce moment, Grouchy s’est installé à la ferme Marette, à Walhain, où il déjeune. S’engage alors la discussion au cours de laquelle Gérard lance son fameux : « Monsieur le maréchal, il est de votre devoir de marcher au canon ! », ce à quoi, offensé, Grouchy répond : « Mon devoir est d’exécuter les ordres de l’empereur, qui me prescrivent de suivre les Prussiens ; ce serait enfreindre ses instructions que d’obtempérer à vos avis ». Selon plusieurs sources, dont Grouchy lui-même, il est plus que probable que sa décision fut influencée par sa position hiérarchique. Ce ne peut être que supposition mais il faut s’imaginer qu’un subalterne, frustré de ne pas avoir obtenu son bâton de maréchal, après ses efforts surhumains au cours de la bataille de Ligny, vous fasse des remarques alors que vous-même venez d’être honoré de ce grade dernièrement. C’est un peu mettre votre autorité en doute et ce devant l’état-major au grand complet. Un autre motif, tout aussi tangible, s’explique par la différence d’âge entre les deux officiers : Grouchy, de la « vieille école », obéit scrupuleusement aux ordres de l’empereur, tandis que Gérard, à peu près 10 ans plus jeune, de la « nouvelle école », s’adapte aux circonstances. A Sainte-Hélène, Napoléon aurait dit : « Le maréchal Grouchy avec 34 000 hommes a trouvé le secret qui paraissait introuvable de n’être, dans la journée du 18, ni sur le champ de bataille de Mont-Saint-Jean, ni sur Wavre… La conduite du maréchal Grouchy était aussi imprévisible que si, sur sa route, son armée eût éprouvé un tremblement de terre qui l’eût engloutie. » Selon la légende, à midi, le 18 juin, Grouchy aurait déjeuné à Walhain à la table du notaire Höllert et terminé son repas d’un plat de fraises malgré les appels réitérés de Gérard de marcher au canon. L’absence des troupes de Grouchy sur le champ de bataille de Waterloo priva Napoléon de sa droite et changea la victoire en déroute. Les fraises de la légende furent difficiles à digérer.

Revenons-en aux faits. A la ferme Marette, au moment des discussions avec Gérard, un aide de camp d’Exelmans arrive et annonce qu’une forte arrière-garde prussienne est en position devant Wavre. Malgré une dernière tentative de Gérard, l’ordre est donné de partir en direction de Wavre. Or, ce que Grouchy ne sait pas, c’est qu’il ne s’agit que du corps prussien du général von Thielmann et que le gros de l’armée, menée par Blücher, ayant quitté Wavre au petit matin, se dirige alors vers Waterloo.

Ce dernier, dont le contact avec Wellington n’a jamais été rompu, marche vers le lieu de bataille, ainsi que le corps de von Büllow, intact et frais, capable de fournir l’effort principal pour renforcer les Anglais. La mission du général von Thielmann est de ralentir la progression française et de laisser le temps à Blücher de rejoindre les Anglais sur le champ de bataille. Fort de cette information, Wellington sait qu’il peut compter sur ce renfort et livrer bataille à Napoléon.

Les troupes de von Thielmann, alertées que des forces françaises considérables se déplacent sur Wavre, se préparent au combat. Aux alentours, il dispose des brigades prêtes à intervenir (notamment dans les bois de Warlomrout, actuels bois de Lauzelle et bois de Villers, à hauteur d’Ottignies-Louvain-la-Neuve). Disposant d’indices prouvant que les Prussiens se dirigent vers Mont-Saint-Jean et pensant que Grouchy interromprait sa marche sur Wavre pour passer la Dyle afin de rejoindre l’empereur, Exelmans dirige une brigade vers cette rivière. Il a face à lui tout le corps d’armée du Prussien von Pirch ainsi que deux régiments de cavalerie. Il en informe Grouchy qui continue son avancée sur Wavre et qui rappelle la brigade placée au bord de la Dyle tout en ordonnant à Exelmans de se diriger vers Dion-le-Mont, à la suite du corps de Vandamme. Cette manœuvre ne donne pas les effets souhaités : retirant toute autonomie à Exelmans, elle permet en réalité aux Prussiens encore dans les bois de battre en retraite vers Wavre.

Vers 15h30-14h, Grouchy reçoit une dépêche de Napoléon, le pressant de marcher sur Wavre pour surveiller les Prussiens. Il ignore que cette missive est écrite tôt dans la matinée et que l’estafette a perdu un temps précieux durant le trajet. Entre- temps, la situation a changé à Waterloo. A la décharge du maréchal, au lieu de prendre la décision de rejoindre l’empereur, cette injonction le conforte dans sa stratégie. Tandis qu’au même moment, l’empereur, voyant les renforts prussiens arriver, fait envoyer une dépêche sommant Grouchy de le rejoindre à Waterloo. Une fois encore, celle-ci n’arrivera à l’officier qu’en toute fin de soirée… Les dés sont alors joués à Mont-Saint-Jean, l’empereur est défait et bat en retraite vers la France via Charleroi.

Vers 16 heures, alors que la bataille de Waterloo est engagée depuis plusieurs heures, les premières unités françaises arrivent aux abords de Wavre. La ville et ses environs constituaient une position stratégique pour la défense et l’arrêt de toute une armée montrant une intention d’attaque, pour plusieurs raisons. D’une part, située sur la rive gauche de la Dyle, elle se trouve dans un vallon dont les hauteurs, au Nord et Nord-Ouest, sont assez élevées et d’accès mal aisé. D’autre part, elle se situe à la jonction de cinq routes, facilitant l’accès vers les villes de Bruxelles, Namur, Louvain, Nivelles et Perwez. La cité brabançonne abrite un corps de l’armée du général von Thielmann. Les ponts permettant de traverser la Dyle ont été barricadés et des milliers de tirailleurs prussiens ont pris position dans les immeubles et prés situés sur la rive gauche de la rivière, de Basse-Wavre jusqu’au-delà du village de Bierges.  L’artillerie française, installée sur les hauteurs d’Aisemont, commence à bombarder la ville et, sans en référer à son supérieur, le général Vandamme lance son infanterie à l’assaut du Pont du Christ, le principal pont de la Ville.  Déboulant de la rue de Namur, les soldats français doivent s’avancer sur la place du Sablon avant d’arriver à ses abords. Treize assauts successifs, particulièrement meurtriers, menés jusqu’en fin de soirée, ne permettront pas aux troupes françaises de prendre définitivement pied sur la rive gauche. Pour mieux défendre le pont en pierre convoité, les Prussiens ont incendié les immeubles situés sur le Sablon.  En fin d’après-midi, une attaque dirigée personnellement par le maréchal Grouchy et le général Gérard échoue devant le moulin de Bierges fortifié par les troupes prussiennes et entouré de prés gorgés d’eau.

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Le 19 juin

Wavre-1815--©-Etienne-HubinLe 19 juin, avant même le lever du soleil, l’armée prussienne reprend l’initiative et tente de bouter les Français hors de Limal. La tentative échoue et dans la foulée, en matinée, les troupes françaises s’emparent des hauteurs de Bierges. Les Prussiens quittent alors Wavre, difficile et dangereuse à maintenir. Défaits après une vive résistance et avertis plus vite que les Français du résultat de la bataille de Waterloo, les Prussiens abandonnent alors le champ de bataille pour battre en retraite vers Louvain et laissent les troupes françaises occuper les quartiers de Wavre situés sur la rive gauche de la Dyle.